Minorité montagnarde tibéto-biemane installée au nord de la Thaïlande, les Lissou s’habillent de tenues dont les teintes fluorescentes déjouent notre tentation de les qualifier de « traditionnelles ». C’est de cette observation qu’est né The Fluorescent People, projet tentant une relecture critique de la photographie ethnique. Construit sur des situations participatives, il hybride deux univers à priori opposés : les habitants d’un village reculé, Ban Sam Kula, se retrouvent envahis par d’étranges installations. Tuyaux de pvc, balles plastiques ou pots de jelly composent un espace futuriste dans lequel les Lissou posent ou interagissent, vêtus de leurs costumes quotidiens.
En cadrant les peuples exotiques dans une réserve de temps et d’espace, le cliché ethnographique leur refuse les métamorphoses de l’ère contemporaine. Déroutant ce formatage, les photographies de The Fluorescent People inversent l’approche documentaire habituellement appliquée aux minorités : au lieu d’archiver des modes de vie en perdition, elles sont pensées comme des fictions mettant en perspective la globalisation telles que s’y projettent les Lissou. Elles procèdent pour cela d’une observation participative de leur culture animiste, chaque image en problématisant les mutations : consommation alimentaire, mode, agriculture chimique, trafic d’amphétamines, connexion aux réseaux, exode rural et structure familiale.
Produit de plusieurs années de contacts, de six semaines d’immersion en solo à Ban Sam Kula, et prolongé par des échanges sur les réseaux sociaux, ce projet associe aux images mises en scène des pièces témoignant d’interventions lors du jour de l’an lissou en 2010 et 2016 : performance, situations participatives et artefacts. The Fluorescent People a fait l’objet d’expositions personnelles au Museum Siam, à Bangkok (2011), au Museum d’histoire naturelle de La Rochelle (2012) et, en dialogue avec Marc Augé, à la Friche La Belle de Mai à Marseille (L’anthropologue et le photographe, Printemps de l’art contemporain 2017).
The Fluorescent People
(2004 • 2019)
Scenes
Minorité montagnarde tibéto-biemane installée au nord de la Thaïlande, les Lissou s’habillent de tenues dont les teintes fluorescentes déjouent notre tentation de les qualifier de « traditionnelles ». C’est de cette observation qu’est né The Fluorescent People, projet tentant une relecture critique de la photographie ethnique. Construit sur des situations participatives, il hybride deux univers à priori opposés : les habitants d’un village reculé, Ban Sam Kula, se retrouvent envahis par d’étranges installations. Tuyaux de pvc, balles plastiques ou pots de jelly composent un espace futuriste dans lequel les Lissou posent ou interagissent, vêtus de leurs costumes quotidiens.
En cadrant les peuples exotiques dans une réserve de temps et d’espace, le cliché ethnographique leur refuse les métamorphoses de l’ère contemporaine. Déroutant ce formatage, les photographies de The Fluorescent People inversent l’approche documentaire habituellement appliquée aux minorités : au lieu d’archiver des modes de vie en perdition, elles sont pensées comme des fictions mettant en perspective la globalisation telles que s’y projettent les Lissou. Elles procèdent pour cela d’une observation participative de leur culture animiste, chaque image en problématisant les mutations : consommation alimentaire, mode, agriculture chimique, trafic d’amphétamines, connexion aux réseaux, exode rural et structure familiale.
Produit de plusieurs années de contacts, de six semaines d’immersion en solo à Ban Sam Kula, et prolongé par des échanges sur les réseaux sociaux, ce projet associe aux images mises en scène des pièces témoignant d’interventions lors du jour de l’an lissou en 2010 et 2016 : performance, situations participatives et artefacts. The Fluorescent People a fait l’objet d’expositions personnelles au Museum Siam, à Bangkok (2011), au Museum d’histoire naturelle de La Rochelle (2012) et, en dialogue avec Marc Augé, à la Friche La Belle de Mai à Marseille (L’anthropologue et le photographe, Printemps de l’art contemporain 2017).
Situations
Trois situations participatives ont été mises en place pendant le Jour de l’an lissou de Ban Sam Kula en 2010. Pour Situation #1 The Sky Fire Tree, une installation lumineuse de canalisation PVC et de tubes fluorescents entourait un arbre aux esprits autour duquel les Lissou dansent. Les photographies la documentant sont montrées en mur d’images projetées à défilement lent. Situation #2 Exorcising Ghosts est une performance dans laquelle, inversant le contrôle photographique habituel, ce sont les villageois qui photographient l’artiste occidental en train d’être emballé par eux dans du vinyle. La figure évoque ainsi aussi bien un produit de consommation que, pour eux, un fantôme à chasser. Les 36 vues successives de la performance sont montrées en diaporama sur écran. Situation 3 #, un studio photographique, est devenue un série spécifique, Studio Tang Daw.
Studio Dang Daw
Studio Tang Daw (Studio des étoiles) est un studio de portraits proposé aux habitants de Ban Sam Kula lors de leurs célébrations du Nouvel an en 2010 et 2016. Pour cette situation participative, les villageois étaient invités à se faire photographier devant un tissu turquoise imprimé d’étoiles, très tendance alors dans leur culture.
Les portraits documentent les évolutions du costume des Lissou, qui, avec créativité, métamorphosent leurs tenues traditionnelle en y introduisant textiles et accessoires de la mode globale. Manifestant leur capacité à s’inventer une modernité hybride, ils les campent non comme figés dans le passé, mais comme nos contemporains, reliés aux mêmes réseaux. Lors de deux expositions – L’anthropologue et le photographe à la Friche La Belle de Mai en 2017 et French Connection à la Bangkok University Gallery en 2018, la série a été exposée sous la forme d’un nuage d’images, invitant à lire l’identité actuelle des Lissou comme le produit d’échanges connectés.
Dans Studio Tang Daw, une minorité dite «traditionnelle» apparaît ainsi comme un peuple en mutation, presque extra-terrestre. En thaïlandais, manut tang daw signifie «humanité des étoiles».
Artefacts
Mises en scène photographiques et situations se sont accompagnées de la production de deux pièces tridimensionnelles et d’une installation. Artefact #1 - The Jelly Dress, est une robe lissou sur les épaules de laquelle, avec l’aide de la couturière Asw-ma Ta-mi, ont été ajoutés deux pots de jelly, dessert industriel apprécié des villageoises. Artefact #2 – The Communication Headdress, est une coiffe de femme à laquelle ont été ajoutées diverses pièces mécaniques et électroniques (câbles, diodes, circuits de PC…). Artefact #3 est l’installation lumineuse ayant servi à la situation The Sky Fire Tree.
(2018 – … )
« Sur cette table de dessin industriel, c’est bien le territoire de l’œuvre qui se déploie en rhizome, voyageant sans cesse entre les mots et les images ».
Héloïse Conesa, entretien pour The Photocaptionist, août 2019
Pièce centrale de l’exposition Fractal Factory à la Galerie Binome (2018), Fractale Table #01 a été conçue comme un prototype. Sur une ancienne table de dessin industriel mise au rebut par un miroitier a été adapté un plateau couvert d’une feuille d’acier. Comme dans un laboratoire photographique, cette surface permet de fixer par des aimants tirages, transparents et maquettes d’œuvre, superposés à des miroirs. Evolutive – cinq versions successives ont été exposées – et potentiellement mobile, elle vise à brouiller les frontières entre studio, meuble d’exposition et installation.
Si elle a été conçue en lien avec la série Fractal Spaces, elle s’ouvre à la réinterprétation d’autres corpus – images, textes, archives – ayant trait aux bouleversements sociétaux et environnementaux qu’entraine la mondialisation. La transformation de ce mobilier obsolète de l’ère industrielle en une pièce sculpturale convoque en effet différentes références : les lutrins des bibliothèques pré-numériques tout comme les consoles de commande des chaînes d’usine ou les écrans à fenêtres multiples de l’informatique. Sur l’espace de la table, images et textes sont mis en lien, réfractés par les miroirs, et contextualisés par les reflets de l’espace d’exposition et des visiteurs.